REVER LES YEUX OUVERTS

De la Grande Motte aux Baléares

 

La fenêtre météo est propice, jeudi 10 septembre, 15h, nous larguons les amarres de la Grande Motte cap sur Minorque.

Un avitaillement de taille

Les cales sont bien comblées. La ligne de flottaison frôle un niveau critique. Notre capitaine, maniaque du quart de nœud, grince des dents. Notre vitesse en prendra un coup. Mais les 3 m de ticket de caisse laissés dans les supermarchés sont nécessaires. La caissière me regardait d’un air étrange. Peut-être me soupçonnait-elle d’être atteinte du H1N1 et devoir entrer en quarantaine. Cet avitaillement démesuré correspond certainement à  la peur de ne pas trouver meilleur ailleurs…Quelques bons produits français : 18 pots de confiture BM (Bonne Maman et Benoît Manche), 35 plaques de chocolat, du foie gras, de bonnes conserves (pour les repas de fêtes ou les lendemains de tempête), sans oublier de nombreuses bouteilles.

 

Première traversée : 50 heures et une première prise !

Nous mettons le cap sur l'Anse Fornells à Minorque, concentrés, sereins et tellement heureux ! Les enfants ont un visage radieux (même si marqué de plus d’une trentaine de boutons de moustique chacun).

Après plus d’un mois vécu à bord de Teoula, ils sont à l’aise, de vrais louveteaux de mer. Ils distinguent les différents types de bateaux et drapeaux. Ils sont toujours volontaires pour ranger les amarres ou mouliner les winches (ok pas pour monter la grand voile). Ils escaladent les haubans (câbles supports du mât).

Leur capacité d’émerveillement fait plaisir à voir !

Le lendemain de notre départ, de grands marins, tels que Desjoyaux, Camas, Peyron, arrivent à la Grande Motte pour la régate Clairefontaine. Mais pas question de repousser notre départ d’un jour ! Béné, tu nous raconteras…

Après le premier coucher de soleil de notre aventure, nous organisons les quarts. J’assurerai la veille entre minuit et 2h, puis 5h à 7h. (J’adore les 5 à 7). Ces horaires ne sont pas encore figés pour notre année de navigation. Nous ajusterons certainement ces temps en fonction de nos affinités avec notre forme nocturne. Pendant nos quarts, le minuteur de cuisine nous rappelle à l’ordre pour faire un tour d’horizon et vérifier si aucun bateau ou cargo ne nous approche. A l’issue de cette traversée, nous avouons chacun que nous ne supportons plus la sonnerie du minuteur qui nous sort de notre cher sommeil. Nous avons une large préférence pour les coqs de Bantigny. Il va falloir trouver une sonnerie plus glamour ou gagner le réveil naturel dont sont dotés certains marins. Desjoyaux par exemple se réveille naturellement lors de ses quarts pour faire la veille. Bravo, mais je préfère encore être réveillée par un minuteur qu’un cargo.

Le vent au portant entre 5-10 nœuds. La lune rousse nous éclaire. Cette navigation est idéale pour un début.

Une heure avant notre départ, Hervé est passé chez le marchand de pêche (merci Wally Wallou pour le tuyau) pour perfectionner notre matos. Plein d’espoir nous laissons traîner 2 cannes. Ce serait trop beau d’avoir une prise le deuxième jour de navigation. En 35 ans de navigation familiale, je me souviens d’un petit maquereau sorti en mer du nord par Papa. Mémorable ! Et bien la chance du débutant nous sourit. Hervé remonte sportivement la ligne. Je sors le crochet pour saisir et remonter notre trophée dans le cockpit. Cris de joie pour les parents. Scène d’horreur pour les enfants quand Hervé saisit le manche de pioche pour assommer le thon blanc* de 11kg que nous venons de sortir. Elise nous fusille du regard et s’évade dans sa cabine en hurlant « plus jamais, je mangerai de poisson ! ». En effet, le cockpit était blanc à pois rouge…

La technique de l’alcool dans les ouïes pour assommer définitivement la bête est plus radicale, mais nous n’avons que du bon whisky à bord… le coup traumatisant était plus économique…  Désolés Elise.

Mais, nous connaissons désormais la fierté du pêcheur !!

Après les émotions de notre pêche, notre pilote automatique devient fou !!! Le compas électronique du pilote devient totalement incohérent et le pilote n'est plus capable de nous guider. Le pilote est un équipier précieux et indispensable pour notre année. Sans lui, nous ne serions pas partis !!

Après plus d’une demi-heure à éplucher les notices tecniques, à reparamétrer le compas en faisant des ronds dans l'eau, Hervé localise enfin le problème. Le compas électronique, positionné sous la couchette de la cabine arrière babord est perturbé par le lecteur CD d'Elise qui est positionné juste au-dessus. Il suffit donc de le déplacer pour pouvoir repartir normalement.

(* Après quelques recherches, c’est bien la pêche du thon rouge qui est interdite, punie depuis peu selon une loi de la Commission Européenne. L’amende est lourde apparemment 10 000 euros, plus saisie du bateau de plaisance ou professionnel. Pour le thon blanc, la prise minimum est fixée à 3 kg.)

 

  

      Départ de la grande Motte                                                                            Le thon blanc de 11 kg

 

 

 

Une rentrée avec le CNED

Même avec la fatigue d’une première nuit de quart et donc sommeil haché, les cours du CNED s’imposent. Elise entre en CE1 et Adrien en CP. Après une rentrée un peu décousue par l’organisation du départ, les enfants réclament leurs cours ! Quelle surprise ! Ils entendent depuis plusieurs semaines qu’ils ont beaucoup de chance d’avoir leurs parents comme professeurs. Ils sont donc curieux de voir ce que ça vaut… Hervé sera le professeur de Maths et j’assurerai les cours de Français, Découverte du monde, Anglais (pour Elise), Musique et Dessin. Le sport entre dans leur programme, mais nous ne sommes pas très inquiets pour la pratique de cette discipline. Le programme du CNED est très dense et réputé pour être d’un excellent niveau. Nous nous efforçons de travailler tous les matins du lundi au dimanche, excepté les jours d’excursion ou de gros temps.

Nos élèves sont donc très motivés. Nous croisons les doigts pour que cet enthousiasme ne soit pas trop éphémère. Mais malheureusement motivation ne rime pas avec concentration. Nos enfants ne font pas l’exception. Ils ont une merveilleuse faculté à faire diversion. Et beaucoup de perches leur sont tendues pour s’évader : leur salle de classe (le carré ou le cockpit) est souvent animée par le mouvement du bateau, le sifflement du vent, les réglages des voiles, le ronron des winches, les bulletins météo diffusés à la VHF, les bancs de thons, sauts de dauphins… Et ponctuellement, Adrien se sent responsable de la veille sur l’AIS mentionnant les ferries, cargos, ou pétroliers. L’écran de cet appareil ressemble étrangement à un jeu vidéo. Tentant !!

L’ambiance de ces cours peut s’apparenter à celle d’une classe en hiver perturbée par les flocons de neige tombant dans la cours de récréation.

Et nous nous sommes à l’école de la patience…

Même si je peste régulièrement contre mon rôle d’institutrice éphémère, je reconnais que c’est un moyen privilégié d’apprendre à mieux connaître ses enfants. Et jusqu’à présent les enfants n’ont pas encore réclamé l’école « à terre ».

 

 

 

Premières escales à Fornells et Mao sur Minorque 

A l’issue de cette traversée, nous passerons 4 nuits à Fornells. Une baie très protégée au nord est de Minorque. Virées sur la plage, sur les falaises et dans le village.

Nous sympathisons avec Sylvie et Jean Marie, propriétaires de Galopin, un Outremer 45. Nous discutons pendant des heures et partageons nos anecdotes de mer respectives. Ça crée des liens la mer !

 Nous faisons ensuite escale à Mao, la capitale de Minorque, accrochée à une falaise surplombant l’un des meilleurs ports naturels du monde. La baie de Mao est en effet tsé tsé longue.

Motivé par la première prise, Hervé profite de cette escale pour s'équiper d'une 2ème canne à pêche digne de ce nom.

 

 

Photos de Fornells

 

 

De Mao (Minorque) à Alcudia (Majorque) : Une navigation musclée.

Vendredi 18 septembre : Nous mettons le cap sur Majorque. Navigation chahutée. Creux de 3-4 m ornés de belles vagues à crêtes blanches avec un vent oscillant entre 20 et 30 nœuds. Je passerai toute la journée au soleil dans le cockpit (bien harnachée Maman) tentant d’esquiver les embruns surprise et l’intérieur du bateau trop inconfortable à mon sens.

Quand le bateau tombe dans le creux de la vague, c’est sensation 3 G assurée pour les enfants. Ils sont hilares devant les vagues qui défilent devant les hublots. Durant ces 15 heures de navigation, ils investissent leur énergie la construction de vaisseaux en Légo ou de cabanes dans les cabines espacée de quelques somnolences. Miracle je n’ai pas entendu de chamailles. Elise et Adrien avaient peut-être compris que ce n’était pas le moment. Les enfants ont des capacités d’adaptation parfois insoupçonnables. Ou simplement ils apprécient ce jour de relâche sans cours. Car impossible de faire le CNED dans une machine à laver ! 

 

                                      Hervé en "boat start" à Alcudia

 

Nous faisons notre arrivée sur Mayorque, vers 23h, nous optons donc pour la baie d’Alcudia facile d’accès la nuit. Le lendemain matin nous apercevons une centrale thermique et de nombreux immeubles. Nous serons consolés par la visite de la petite ville d’Alcudia qui abrite une petite cité romaine qui vaut le détour.

 

Tous ces jours passés aux Baléares n’étaient pas spécialement ensoleillés, mais nous apprécions ce nouveau mode de vie sans contrainte horaire…

 

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